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Grand Prix des sylves : Jean Boulard, trois Césars d'honneur, la joëlette et le Caravage


Le mot latin “silva”, qui désigne une forêt, a donné l'ancien français “selve” que l'on trouve déjà dans la Chanson de Roland et qui fut abandonné ensuite au profit de “ forêt ”. Le mot “sylve” fut, bien plus tard, calqué sur le latin et orthographié avec Y pour faire plus savant. Il est considéré comme littéraire ou poétique et compte plusieurs dérivés comme les prénoms Sylvain, Sylvie, l'adjectif “sylvestre”, et même le mot “sauvage” (du latin “silvaticus”). Hier, près de 700 citadins sont redevenus “sauvages” en traversant les bois de Saint-Ghislain et de Colfontaine pour la 39e édition du Grand Prix des Sylves créé en 1981 par Jean Boulard et son équipe de la fédération travailliste (Union Jeunesse Vétérans Dour). Jean avait donné à sa course ce nom très littéraire, qui a traversé les décennies et reflète son amour pour la langue et la poésie : il ne manquait jamais de joindre au classement un éditorial particulièrement bien rédigé. Mais la plupart d'entre nous n'employions pas cette expression. Nous disions simplement : « Le premier mai ». « Tu cours le premier mai ? » ne portait pas sur une date, mais sur une épreuve. Et il pouvait arriver de dire en mars ou en octobre : « Hier, j'ai couru le premier mai. »

Lors des dix premières éditions, le fondateur et principal organisateur, Jean Boulard, mit un point d’honneur à ce que chaque participant reçoive un beau souvenir : une assiette décorative évoquant la course. La dixième, offerte en 1990, représente malheureusement Jean lui-même, qui venait de décéder. Il nous adresse un signe de la main, nous salue d’un sourire.

Si la course est classique, elle le doit peut-être à ce nom, à son parcours à peine modifié mais aussi à sa date immuable : le 1er mai, fête du travail et du muguet. En traversant les sylves, pas de muguet chez nous mais les dernières jacinthes… sauvages qu’ici on appelle “coucous”. À certains endroits, l'ail des ours embaumait. Certains chefs l'emploient dans une cuisine raffinée. Si les oiseaux chantaient joyeusement pour saluer le soleil, je n’ai pas entendu l’appel dissyllabique du coucou gris, celui dont la femelle pond ses œufs dans le nid d’autres espèces.

Hier, c'était donc la 39e édition des Sylves, y compris une… sauvage de 1996 : faute d'organisateur, cette année-là, de nombreux fidèles avaient décidé de la courir sans chrono ni classement, signe de leur attachement à cette magnifique épreuve. Renild Thiébaut en était, qui boucla hier sa 39e sur 39. Cette fidélité valait bien un “César d'honneur” qui lui fut remis hier par les organisateurs. Ils associèrent à cet hommage deux autres anciens, Bruno Cougneau, qui courut parfois la course trois fois de suite quand il préparait un 100 km, et moi-même, pour me remercier de ces éditoriaux. Qu'ils en soient remerciés !

J'ai eu la curiosité d’aller rechercher dans mes archives les meilleurs temps réalisés par ce trio voici une trentaine d’années (nous avons fêté – à trois – nos 200 ans en 2018). Étant donné que le parcours ancien comptait exactement 1 km de plus que l'actuel, une simple règle de trois permet de calculer ce que nous aurions sans doute réalisé sur le nouveau circuit (le dénivelé est identique) : Bruno 53'29 en 1988 donc 49'55 par extrapolation sur le nouveau circuit ; Renild 52'24 en 1983 donc 48'54 et moi 50'52 en 1987 donc 47'29 sur les 14 km. Par comparaison, le podium d’hier donne Arnaud Meunier en 50’21, Maxime Thibeau en 51’05, et Nicolas Mulpas en 51’23. Ces différences nous ont plusieurs fois étonnés, d’autant plus que ni Renild, ni Bruno ni moi n’avons jamais remporté la course (j’ai terminé deuxième derrière Carlo Di Antonio en 1989 et Renild troisième en 1983).

Revenons aux champions actuels : les Sylves ne sacrent jamais n'importe qui : c'est ainsi que le vainqueur de la longue distance chez les hommes, Arnaud Meunier, confirme son excellente forme de ce début de saison, lui qui terminait 3e du championnat du Hainaut du 1500 m en 4’18 voici quelques jours. Quant à la première dame, Kabi Nassam, elle se classe à une remarquable 7e place au général, elle qui prépare les interclubs pour Dour Sports puis se consacrera à un nouveau marathon qu’elle doit encore choisir. L'an passé, pour son premier, elle avait fait fort en remportant celui de Bruxelles ! Derrière elle, Francine Copy (1h 01’45) et Abeline Kapuczinski : cette dernière, qui avait annoncé son intention de courir “à l’aise”, terminait en 1 h 02’30 !

Il estimait sans doute le parcours trop facile, Jean Loiselet (OBJ) puisqu’il décida de le courir avec sa petite fille (dans une poussette !) ; pas facile dans les côtes ni dans les passages caillouteux, sinueux (je l'imagine dans le petit terril qui suit la côte du rossignol…). Il prépare ainsi une course avec joëlette, la belle invention qui permet aux moins valides de profiter du paysage.

Le mois dernier à Rome, dans la galerie Borghèse, j'ai pu admirer quelques toiles du Caravage, un maître de la peinture baroque, de son vrai nom Michelangelo Merisi da Caravaggio. Peut-être est-elle une lointaine descendante de sa famille, Lucia Caravaggio, que j'ai accompagnée hier sur le parcours. Elle court depuis trois ans et a déjà bouclé deux marathons dont l'un en à peine plus de quatre heures. Une foulée très régulière et un “negative split” qui en dit long sur son endurance : deux minutes plus vite sur la deuxième moitié de course que sur la première ! Celle dont Antonio Coco me dit fièrement : « C'est ma cousine ! », récemment affiliée au club de Baudour, compte à présent se consacrer au trail de la Côte d'Opale.

Quand je parle des Sylves, je suis intarissable… Qu’ajouter ? Ah oui, n’oublions pas l’épreuve courte, qui vit Cyril Thienpondt l’emporter devant Caldoz Denis, Jean-Marc Culot et l’excellent jeune Hugo Mirulla tandis que, chez les dames, Nathalie Lecat (7e au général !) devançait Florine Arlon et Vinciane Cougneau (la maman d’Hugo Mirulla !)

Quand j’aurai dit que l’organisation (fléchage, signaleurs, ravitos, remise des prix) était parfaite, il me restera à féliciter Fabian Ruelle, Éric Morelle et leur équipe avant que quelqu’un me fasse taire, enfin !

Ah si : rendez-vous le 19 mai à Montignies-sur-Roc pour le quatrième jogging des Leûs !


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