D'accord, il y avait du vent. Sensible. Ce n'était pourtant pas « le vent du Nord qui fait craquer les digues à Scheveningen » que chantait Brel ! Il évoquait plutôt, dans nos souvenirs d'enfance, la « jolie brise » du capitaine Haddock ou encore le refrain populaire : « V'là l'bon vent, v'là l'joli vent, V'là l'bon vent ma mie m'appelle, V'là l'bon vent, v'là l'joli vent, V'là l'bon vent ma mie m'attend... »
Car cette « mie » qui attendait plus de 750 coureurs et marcheurs, en ce jour de muguet et de fête du travail, c'était la sylve chère à Jean Boulard, créateur, en 1981, de la Doyenne de nos courses sur route.
10° au thermomètre. Et un seul kilomètre vent de face (entre la dernière sortie du bois, près de chez « Marie Boulette », et l'entrée dans Petit-Dour. Pourquoi, dès lors, beaucoup s'étaient-ils couverts comme pour affronter un blizzard ?
Petit conseil de l'oncle Daniel : il vaut mieux se rappeler qu'un effort en compétition est très différent du travail effectué à l'entraînement. Et donc, à 10° ou plus, même avec un peu de vent, il est préférable d'adopter en course une tenue légère – sauf si l'on a décidé de « rester en dedans ». Par conséquent, après un long footing d'échauffement en endurance légère (disons 30' à 65 %), en tenue d'entraînement, votre organisme pourra subir sans dégâts, dix minutes avant le départ, un relatif déshabillage. Hier, ce « maillot de corps » que les Belges appellent un « singlet » était bien suffisant, assorti, pourquoi pas, de gants que l'on enlève après quelques kilomètres, et d'un bandana si, comme moi, on craint de se refroidir par le crâne.
Par la même occasion, on enfile aussi les chaussures ultra légères, celles qu'on ne chausse qu'en compétition. Déjà, on se sent un(e) champion(ne) !
On reste en mouvement jusqu'à la dernière minute, quelques déboulés, la ligne, le klaxon de la voiture de tête... c'est parti ! Mieux vaut ménager sa monture, les côtes qui arrivent seront dures !
On voit passer comme un fou Nicolas Mulpas qui « le fait à l'aise parce qu'il a fractionné la veille ». On commence à dépasser, dans la rue de l'Enfer, ceux qui regrettent déjà de s'être laissé emporter. On se réjouit de constater que le sol est sec et souple, le parcours idéalement fléché (merci, Eric Morelle) ! Dans la côte du Rossignol, qui n'a pas été rabotée par un Merlin l'Enchanteur compatissant, on constate que certains coureurs se muent en marcheurs. Au sixième kilomètre, même si on joue la victoire, on ne peut s'empêcher d'admirer le superbe tableau impressionniste qu'offrent les jacinthes sauvages (aussi belles que celles qui attirent des milliers de touristes au bois de Hal mais – Chut ! – gardons-les pour nous). On passe au septième : mi-course, déjà. Gérer. Pas de boue, heureusement, car là aussi, ça monte ! Puis, défilent les kilomètres. Arrive la dernière côte. Vivement que ça tourne à droite, que ça descende ! Le reste, une formalité. Dernière ligne droite, cour de l'école, ravitaillement... on échange des impressions, on attend l'arrivée des camarades.
Bientôt, on apprendra que 669 coureurs ont bouclé les deux distances (contre 441 en 2016) ! On attendra, dans la salle de gym surpeuplée, animée d'un joyeux tintamarre, l'affichage des résultats, puis les podiums : sur le 14 km, des écarts conséquents séparent François Decamk, premier en 49'05, de Christophe Durin (50'55) et Antoine Flypo (51'53) ; de même chez les dames, où Virginie Dujardin (59'23) devance Francine Copy (1h02'43) et Abeline Kapuczinski (1h04'44 malgré une chute au sixième kilomètre).
Les écarts sont nettement moindres – et c'est bien normal – sur la distance courte, où Yvan Haube (19'15) précède Olivier Briffeuil (19'45) et Donovan Roland (19'55) tandis que, chez les dames, Delphine Dormont (24'27) devance Florine Arlon (24'44) et Mary Colqhoun (24'56).
Attendant la remise des prix, un groupe de vétérans rendra plus d'une fois hommage à Jean Boulard, sans qui l'épreuve n'existerait pas. Devoir de mémoire facilité, il est vrai, par quelques bouteilles de Moneuse offertes par l'ami Renild Thiébaut, heureux de boucler son trente-septième Grand Prix des Sylves, et qui, récemment, résumait d'un seul mot cette aventure commencée au début des années quatre-vingt : CAMARADERIE. Dieu, que ce mot est beau !